Laurent Owondo, l’un des plus célèbres écrivains gabonais à travers le monde
L’expression française qui caractérise la littérature africaine en générale et celle d’Afrique subsaharienne en particulier est fortement marquée par le sceau d’une empreinte identitaire régionale à l’effigie des réalités locales et nationales. S’inspirant des faits quotidiens des sociétés dans lesquelles vivent les différents auteurs telles que les coutumes, le spiritisme, la sorcellerie ou encore le tribalisme, les différentes œuvres littéraires subsahariennes et au-delà dépeignent le plus souvent le poids des traditions ou encore le comportement rétrograde des dirigeants au pouvoir.
Ce constat traduit bien la vision qu’avait les littérateurs d’Afrique des années précédant la pluralité politique, gangrenée par l’influence de l’autocratie, fer de lance de la pensée unique. En terre gabonaise, des genres littéraires à l’instar de la nouvelle, de l’essai, du roman ou encore du théâtre ont rythmé l’écriture des « œuvres de l’esprit », quand bien même au fil des années, une évolution du style d’écriture a pu être enregistrée. Bien qu’elle ait été longtemps tapie dans l’ombre de « la reconnaissance internationale », la littérature gabonaise a connu plus de visibilité au milieu des années 1980 avant de se construire solidement une renommée planétaire avec l’avènement du multipartisme.
Laurent Owondo, un passionné du 7e art
Plusieurs œuvres d’hommes et de femmes de lettres du Gabon se sont par la suite invitées dans les programmes scolaires et universitaires de plusieurs « temples du savoir » à travers le monde. L’œuvre d’un littérateur dudit pays répondant au nom de Laurent Owondo (1948-2019) est à ce jour l’une des œuvres africaines les plus commentées et les plus enseignées sur la planète, faisant de lui l’un des écrivains gabonais les plus célèbres. Il fut entre autres metteur en scène, comédien et un enseignant chevronné de la littérature et de la civilisation américaine. Nous vous dressons son portrait.
Présentation du personnage
C’est durant la date d’indépendance de la France en l’occurrence le 14 juillet que la naissance de Laurent Owondo fut déclarée. Nous étions en 1948. Né à Libreville, capitale du pays, Laurent Owondo est issu de Ambayé Olivier et Poyayé Christine Sophie. Le premier cité était un chef réputé de la communauté Mpongwè et sa mère était l’un des descendantes d’Anguilè Ré-Dowé, le célèbre chef Mpongwè communément appelé « le roi Louis ». Il n’eut qu’un enfant de sexe féminin.
Cursus
C’est dans sa ville natale de Libreville que Laurent Owondo fit ses études primaires et secondaires. Après avoir obtenu son Certificat d’études primaires (CEP) et son Certificat d’enseignement secondaire, Laurent Owondo décroche son baccalauréat en 1969. La même année, il poursuit ses études supérieures non plus au Gabon mais en Hexagone. Le jeune Owondo dépose ses valises à Aix-en-Provence, ville universitaire située au Sud de la France. Il débute ses études à la faculté d’anglais de l’académie de ladite ville puis les poursuit dans la capitale française. A Paris, Laurent Owondo fréquente l’Université de la Sorbonne et obtient un doctorat de 3e cycle en littérature américaine.
Carrière professionnelle
Voulant devenir très vite un actif occupé, Laurent Owondo décide de mettre ses compétences au service de l’enseignement. Mais par-dessus-tout en tant que véritable angliciste, il ne fait aucun doute pour Laurent Owondo que la maîtrise des différents rudiments du langage Shakespearien repose dans les régions où il tire son origine. Pour ce faire, il cherche du travail dans un pays anglo-saxon. Il finit par décrocher un emploi de professeur assistant en Angleterre dans la ville de Birmingham. Il dispense des cours de civilisation américaine à l’école d’art de la ville du nom de « Moseley School of Art ». Par la suite, il continue son perfectionnement en se rendant aux Etats Unis d’Amérique. C’est finalement dans l’Etat de New-York notamment au Hamilton College, établissement d’enseignement supérieur, qu’il est engagé toujours en qualité de professeur assistant en civilisation et littérature américaine.
Fort de son expérience acquise en terres américaine et britannique, Laurent Owondo rentre au Gabon. Dès 1980, il commence à dispenser des cours de littérature et de civilisation américaine à l’Université Omar Bongo (UOB) anciennement dénommée Université de Libreville. Les autorités lui confièrent peu de temps après la direction du Théâtre national du Gabon car il le théâtre fut aussi l’une de ses nombreuses passions et il y contribua remarquablement à le faire évoluer dans son pays. Par ailleurs, son amour pour l’anglais était palpable lorsqu’il dispensait ses cours. Laurent Owondo était épris de cette langue tant fabuleuse et tant populaire, elle qui est par excellence la langue internationale des transactions mondiales. Il s’y plaisait à l’enseigner et maîtrisait cette civilisation bien loin de la sienne, quoi qu’elle soit étroitement liée à la civilisation africaine par le biais de l’esclavagisme qui a longtemps caractérisé la pensée de l’homme blanc.
Son dévolu pour l’art de la scène et pour le septième art
L’art de la scène qui a été l’un des grands amours de Laurent Owondo est sans aucun doute le théâtre bien que cette classification des différents arts dite « des arts de la scène » regroupe la danse, le mime, le cirque ou encore l’humour. C’est en 1969 que Laurent Owondo écrit et joue sa première pièce de théâtre qui porte le titre « Les Impurs ». A l’époque, c’est le Centre culturel français (CCF) qui est le tremplin des artistes et littérateurs en tout genre. C’est d’ailleurs là que Laurent Owondo recevra ses premières ovations et ses premières critiques ct la première gratitude du public gabonais. En effet, Laurent Owondo avait mis en lumière dans « Les Impurs » le déracinement des populations qui, par manque de connaissances des us et coutumes, pratiquaient leurs traditions locales sans y connaître les réels fondements.
Cette pièce résumait bien l’univers et la pensée de Laurent Owondo qui était éperdument épris des traditions ancestrales et qui était l’un de leurs fervents défenseurs ; il dû s’arrêter dans l’écriture d’œuvres théâtrales car la même année, il s’envola pour continuer ses études en France après l’obtention de son baccalauréat.
Bien après ses études et ses premières expériences professionnelles en Occident, Laurent Owondo rentre au Gabon. Il reprend alors la production de pièces de théâtre. Mais il sait qu’il lui faut absolument une équipe artistique avec laquelle il pourra mieux agencer le déroulement des scènes qu’il est en train de rédiger. Il fonde alors sa troupe de théâtre du nom de « Le théâtre de la rencontre ».
Au cours de l’année 1990, une pièce de théâtre « La folle du Gouverneur » dont le montage et l’écriture ont été réalisés par Laurent Owondo paraît aux Editions Lansman. La mise en scène fut orchestrée par l’écrivain gabonais Dominique Douma et le metteur en scène français Robert Angebaud. C’est l’une de ses plus belles réalisations car la même année de sa mise sur le marché, « La folle du Gouverneur » est couronné de succès durant le septième Festival international des Francophonies qui s’était tenu de septembre à octobre 1990 dans le centre sud-ouest de la France précisément dans la ville de Limoges. Cette œuvre apporta une âme nouvelle dans la conception des pièces de théâtre avec une identité bien plus gabonaise qu’occidentale. « La folle du Gouverneur » a été tellement plébiscitée qu’elle se retrouve aujourd’hui dans le top 50 des meilleures pièces africaines de théâtre.
Avec plusieurs études littéraires co-écrites à son actif, Laurent Owondo s’est aussi illustré dans le cinéma gabonais. Dans les années 1990, le Centre national du cinéma assure la production d’une série télévisée devenue très prisée des ménages gabonais. Il s’agit de « L’auberge du salut ». Laurent Owondo fait partie des scénaristes de la série à succès. Il se mue ensuite en « acteur de cinéma » dans des productions cinématographiques du réalisateur gabonais Imunga Ivanga notamment dans les films « Go Zamb’olowi (Au bout du fleuve) » et « L’ombre de Liberty ». Laurent Owondo apporta aussi son savoir-faire au jeune réalisateur gabonais de l’époque, Mouketa Dread Pol, dans son film de format court-métrage « Raphia » dans la conception du scénario de celui-ci. En 2006, Laurent Owondo était remonté sur scène pour jouer sa mythique pièce de théâtre « La folle du Gouverneur ».
Sa plus belle création
Alors qu’il est professeur de littérature et de civilisation américaine à l’Université Omar Bongo de Libreville (UOB) à partir de l’année 1980, Laurent Owondo commence l’écriture d’un roman qui éternisera à jamais sa mémoire dans les annales de l’histoire en générale et de la littérature en particulier. En 1985, Laurent Owondo est l’auteur de l’œuvre « Au bout du silence » qui vient de paraître aux Editions Hatier. Cette production littéraire connaît rapidement un succès continental et planétaire. Elle devient un classique africain et est lauréate de la Fondation Léopold Sédar Senghor. C’est d’ailleurs l’un des romans africains les plus traduits dans le monde. Il est aussi l’objet d’études dans plusieurs établissements et grandes écoles.
« Au bout du silence » est une œuvre bâtit sur une écriture inspirée du « mythe », épopée ou histoire réelle qui tire sa source de la genèse d’une tradition ou d’un peuple et qui guide les attitudes d’une communauté dans la société. En effet dans son roman, Laurent Owondo s’est appuyé sur les attributs culturels de l’ethnie à laquelle il appartient en l’occurrence l’ethnie Myènè. Il retrace aussi le voyage initiatique d’un jeune homme, freiné par le décès brutal de son grand-père. Voyage qu’il devra poursuivre seul, non sans difficultés, afin d’atteindre un niveau spirituel traduisant l’appropriation véritables des arcanes ancestraux.
Rideaux
Alors que sa santé n’était plus au beau-fixe en raison d’un cancer de la prostate qui la détériorait, Laurent Owondo joue le dernier rôle de sa vie sur la scène médicale de l’Hôpital d’instruction des armées Omar Bongo Ondimba sis à Libreville (HIA) le 10 juin 2019. Il laisse derrière lui deux projets inaboutis : la construction d’un grand théâtre sur les terres qui abritent la mangrove de la Lowé et la mise en scène d’une pièce de théâtre dont il avait fini l’écriture.
Les communautés littéraires et artistiques des Caraïbes et d’ailleurs lui ont rendu un hommage mérité lors de sa disparition. Ses pairs africains à travers le monde ont aussi salué sa « noble » mémoire. Le Centre culturel français (CCF) gabonais avait également rendu hommage au dramaturge et à l’écrivain qu’il fut.
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