Présidentielle française vs gabonaise : une comparaison qui donne le tournis !
Les Français votent depuis ce dimanche matin pour celui ou celle qui devra présider leurs destinées pour les 5 prochaines années. Comparaison n’est certes pas raison, la rédaction d’Info241 s’est risquée à comparer les différences avec notre dernière présidentielle qui s’est soldée par des heurts et des contestations qui ont contraint le pouvoir à ouvrir le « dialogue » avec ses opposants modérés pour calmer le jeu. Analyse.
D’abord sur l’organisateur du scrutin. En France, toutes les élections politiques sont organisées par le ministère de l’Intérieur. Une chose impensable au Gabon où les doutes sur la probité des agents de ce ministère sont admis. L’organisation officielle a donc été confiée à des magistrats qui eux aussi brillent par leur allégeance remarquée au régime Bongo dont ils doivent leur nomination au sein de la controversée Commission nationale électorale (CENAP).
Le déroulement de la campagne électorale
Tout comme au Gabon, en France chaque candidat a une enveloppe électorale qui lui permet de faire sa campagne présidentielle. En France la campagne électorale est financée selon deux modalités : un financement public, organisé par la loi organique du 6 novembre 1962. Et un financement privé, provenant notamment des partis (cotisations), et des dons des personnes privées. Ce qui n’est pas le cas au Gabon où la frontière entre les moyens de l’Etat et ceux privés du candidat du régime au pouvoir 1968 est mince.
En France, depuis la loi du 19 janvier 1995, les dons et avantages en nature des entreprises privées sont interdits. Les dons des particuliers sont, quant à eux, limités à 4600 euros par donateur, tout don égal ou supérieur à 150 euros doit être obligatoirement effectué par chèque, virement ou carte bancaire. Au Gabon les fonds des entreprises, comme celles du CAC40 français qui ont pignon sur rue au Gabon sont souvent investis pour le candidat du régime de Libreville au nom des intérêts économiques.
Il y a souvent un mélange de genre entre les moyens de l’Etat et ceux du régime au pouvoir. Ce qui fait en août 2016, lors de la campagne présidentielle, que les rues de Libreville et de l’intérieur du pays étaient pavoisées à l’effigie d’Ali Bongo. Concernant les chaînes des médias publics, le Gabon est le maître de la monopolisation des médias d’Etat au profit du président sortant Ali Bongo. Le Conseil National de la Communication (CNC) outre l’audition de tous les candidats a assuré un strict minimum du respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les services de télévision publique.
En France, aux termes de la recommandation du CSA du 7 septembre 2016, les principales chaînes de télévision et de radio transmettent au CSA le relevé des temps de parole et des temps d’antenne des candidats et de leurs soutiens. Ce qui n’est pas le cas du CNC au Gabon. Le CSA veille au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans les services de télévision, en particulier dans les émissions d’information politique et générale. Ce qui est loin d’être le cas en ce qui est du rôle du CNC au Gabon qui se distingue uniquement pour l’interdiction des parutions des quotidiens ou hebdomadaire hostiles au régime au pouvoir.
A ce titre, en France, il a été adopté plusieurs décisions destinées à garantir l’effectivité du pluralisme politique sur les différentes antennes. Depuis 2009, le CSA applique le « principe de pluralisme politique » aux termes duquel plusieurs règles sont fixées. Il s’agit de veiller à ce que les volumes des temps de parole politique correspondent aux équilibres démocratiques nationaux en intégrant celles des interventions du Président de la République qui, en raison de leur contenu et de leur contexte, relèvent du débat politique national. Un exemple qui est loin d’être le cas au Gabon où le CNC ne joue pas suffisamment son rôle de régulateur du pluralisme politique dans les médias publics.
Des chiffres qui donnent le tournis
Autre différence de taille, la vitesse de divulgation des résultats des urnes. Alors qu’au Gabon, il faut attendre entre 3 à 4 jours, les résultats sont donnés dès 20h le jour même du scrutin. Rappelons que la France c’est près de 46 millions d’électeurs sur une population estimée à près de 67 millions soit plus de la moitié de la population (près de 70%) est électrice.
Au Gabon, le collège électorale se compose de 300.000 électeurs sur une population estimée à 1,8 millions d’habitants soit moins de 17% de la population totale. Malgré cette faible démographie électorale, les résultats prennent de nombreux jours pour être dévoilé. Là ou en France, il faut attendre deux heures après la fermeture officielle des votes pour connaître les résultats issus des urnes. Un temps de latence dont userait le pouvoir, selon les mauvaises langues, pour rectifier les résultats des urnes à sa convenance.
L’autre grand fait majeur est le fairplay entre les candidats en lice. Alors qu’au Gabon, seul le parti au pouvoir conserve le fauteuil présidentiel depuis 1968, en France les résultats font consensus et le pouvoir vacille entre gauche et droite. Et chaque candidat sortant battu aux urnes, reconnaît la victoire de son adversaire et lui concède le pouvoir. Une éventualité improbable au Gabon où Ali Bongo avait même déclaré que la contestation des résultats de la présidentielle était dans l’ADN politique historique du pays. Une autre façon de se réjouir de cette situation pourtant non reluisante.
Une méfiance exacerbée sur les institutions électorales : la main sombre de la France
Au Gabon après la proclamation des résultats officiels, le QG du challenger d’Ali Bongo, Jean Ping a été bombardé à l’arme lourde. En effet, les locaux du quartier général (QG) de Jean Ping eurent été pris d’assaut par les forces de l’ordre, faisant des morts et plusieurs blessés. Les témoins parlant d’un « carnage ». Sous le leadership de la France, la communauté internationale avait exigé à l’opposition gabonaise de suivre la voie légale de recours à travers la Cour constitutionnelle.
Bien que cette dernière soit baptisée Tour de Pise par les opposants gabonais étant donné qu’elle statue toujours au profit du régime Bongo-PDG, depuis sa création. Un contentieux électoral qui n’a pas permis de lever tous les doutes, ce qui a conduit à la Mission d’observation de l’Union européenne d’établir un rapport qui discrédite l’élection d’Ali Bongo. Au détriment de la position officielle de la France qui invite le peuple gabonais à se rendre aux législatives en occultant la fraude électorale et les violences électorales qui ont marqué le dernier scrutin présidentiel.
Même si la Résolution de l’Union européenne avait « considéré que les résultats officiels de l’élection présidentielle gabonaise manquent de transparence et sont extrêmement douteux, ce qui a eu pour effet de mettre en cause la légitimité de l’élection présidentielle d’Ali Bongo Ondimba ». Il faut rappeler que le processus électoral de la présidentielle du 27 août dernier a été entaché ’’d’irrégularités’’ et ’’d’anomalies évidentes’’ selon le rapport officiel de la Mission d’observation de l’Union européenne.
D’ailleurs, la proposition de résolution du Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL), suite à la crise post-électorale du Gabon avait « considéré que le soutien de la France au régime d’Ali Bongo (notamment via sa coopération militaire) et les liens qu’ont quasiment l’ensemble de la classe politique gabonaise laissent à craindre fortement la perpétuation de cette politique de la « Françafrique » au détriment du peuple gabonais.
En somme, en France tous les acteurs politiques ont une foi inébranlable sur leurs institutions chargées des élections. Ce qui permet des scrutins apaisés et dont les résultats ne souffrent d’aucune contestation. A l’inverse au Gabon, les institutions de la république sont jugées partisanes et partiales. Une situation que souhaitent reformer les opposants modérés ayant accepté la main-tendue d’Ali Bongo pour dialogue.
Sauf que depuis le retour du multipartisme au Gabon, de telles conciliabules ont toujours existé. Les conclusions ont été rabrouées par le parti au pouvoir qui détient le pouvoir parlementaire de refaire à tout moment les règles du jeu à sa convenance, au mépris des accords pris entre les différentes parties. Une situation d’impuissance dans laquelle baigne l’électeur gabonais qui a du mal à voir poindre la moindre alternance politique depuis 50 ans.
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