Richard Moubouyi, as dans l’art du théâtre radiophonique et poète du terroir gabonais
L’un des plus grands patrimoines traditionnels dans le monde en général et d’Afrique en particulier est à ne point douter l’oralité. Dans les temps anciens au moment où l’écriture n’était pas encore un moyen prépondérant de communication, les sociétés africaines s’organisaient autour de la transmission orale et des représentations rupestres et pariétales qui sont aujourd’hui considérés comme les prémices de l’écriture moderne. Ces dernières permettaient de sauvegarder l’histoire des lignées et les épopées de guerriers et chefs traditionnels.
Elles servaient donc de levier pour la conservation et la transmission de la tradition par le canal des conteurs expérimentés à l’instar des griots en Afrique de l’Ouest, des rhapsodes en Grèce ou encore des troubadours dans le Sud de la France. Avec l’arrivée de l’homme blanc, la structure organisationnelle des sociétés africaine s’est peu à peu modernisée en perdant son originalité et en adoptant celle venu d’Occident. L’expression de la pensée traduite par la louange et la déclamation de faits ancestraux s’est alors tournée vers des genres poétiques en phase avec l’évolution des sociétés occidentales.
De plus, l’invention de l’écriture a clairement balayé d’un revers de la main, l’oralité qui était jusque-là le témoin privilégié de la mémoire culturelle non écrite. Plusieurs fils et filles du continent qualifié de « berceau de l’humanité » se sont alors armés de ce nouveau moyen de communication pour éterniser d’une part, les faits marquants de l’histoire de leurs peuples et pour contempler et préserver d’autre part, la beauté et les contours divers des endroits qu’ils affectionnaient tant.
Richard Moubouyi (1944-2001), un gabonais passionné de communication, est une figure emblématique de la littérature de son pays et au-delà de par ses œuvres poétiques et théâtrales. Bien que la terre, vorace et silencieuse, nous ait privés de son affection, nous éternisons à notre mesure la mémoire de ce fils prodigue du Sud du Gabon.
Aux aurores d’une vie
Fils de Mabadi et de Ibomoukiri Monique, Richard Moubouyi ouvrit les yeux pour la première fois près d’une année avant la fin de la Deuxième Grande Guerre précisément le 10 janvier 1944 dans la localité de Souka, non loin de la ville de Lastourville dans la province de l’Ogooué-Lolo. Il est originaire du peuple « Adouma » (qui signifie « ceux qui habitent au bord du fleuve »), population vivant au Sud-Est du Gabon sur les rives Sud du fleuve Ogooué maîtrisant ledit fleuve et ses rapides.
Richard Moubouyi eu principalement deux femmes dans sa vie.
La première, originaire de sa région, est celle avec laquelle il convola en justes noces puis la seconde du nom de Baka Vasque Rosalie, une sublime femme d’ethnie Benga (population localisée sur la côte atlantique du Gabon à proximité du Cap Estérias) de par sa mère et espagnol, de par son père. Il épousa cette dernière coutumièrement. Tout au long de son existence, Richard Moubouyi participa à la conception de plus de dix enfants.
Instruction occidentale
C’est dans sa province natale notamment dans les villes de Lastourville et de Ndjolé que le jeune Richard Moubouyi fit ses études primaires. Son Certificat d’études primaires élémentaires (CEPE) en poche, Richard Moubouyi est envoyé à Libreville pour poursuivre ses études. Direction le lycée national Léon Mba pour entamer son secondaire. Il y sort muni de son baccalauréat. Pour parfaire son cursus, Richard Moubouyi s’envole pour la France dans les années 1960.
Richard Moubouyi choisit comme formation celle ayant trait à la communication audiovisuelle. Il est d’abord étudiant à Paris puis il continue son périple estudiantin dans le Sud-Ouest et le Grand-Est de la France dans les communes de Toulouse et de Strasbourg. Inscrit à l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF), établissement public à caractère industriel et commercial, Richard Moubouyi y sort nanti d’in diplôme.
Carrière administrative et radiophonique
Quand il regagne le Gabon, Richard Moubouyi intègre l’administration publique et devient inspecteur principal en chef fort de son diplôme obtenu à l’ORTF. Peu après, il est affecté à la Radiotélévision gabonaise (RTG) et en devient le directeur général adjoint chargé de la radiodiffusion nationale. Homme de communication à la créativité remarquable et à l’imagination dépourvue de discontinuité, Richard Moubouyi se lance dans l’animation radio et met en place plusieurs programmes radiophoniques traitant pour la plupart des sujets nationaux le plus souvent d’ordre culturel, historique ou originel.
Il faut dire que notre protagoniste est aussi un passionné d’écriture notamment de pièces de théâtre. Au début des années 70, le théâtre gabonais revitalise principalement dans l’écriture textuelle et la mise en scène. Prenant son aise par sa voix qu’il veut retransmettre au moyen de la radio, Richard Moubouyi entreprend de faire découvrir aux auditeurs gabonais, des créations théâtrales dont il est l’auteur et le producteur. Richard Moubouyi, par cette initiative, compte bien changer les habitudes d’écoute des férus gabonais de radio en réinventant et/ou en modernisant les programmes de la RTG par la voix de son département de radiodiffusion.
C’est ainsi que des émissions à l’instar des programmes de variétés radiotélévisées comme « Déjeuner au trésor » et des œuvres rythmant le quotidien des populations vont faire leur apparition. Il s’agit des œuvres radiophoniques du nom de « Bousodou (1969) », « La circoncision (1970) » ou encore « Le nouveau système des choses (1972) ». Par ailleurs, une émission très célèbre à l’époque du nom de « le Gabon, une province » fera tabac dans plusieurs foyers de la capitale et sur l’ensemble du territoire, du moins dans les ménages dotés d’un poste de radio.
L’importance de cette émission était d’autant plus intéressante que contrairement aux émissions audiovisuelles, celle-ci était comme « contée » à la manière de nos ancêtres, aux temps de la transmission orale. Dans chaque numéro, Richard Moubouyi choisissait une localité, une ethnie ou un personnage et dévoilait, autant que faire se peut, les pans historiques au moyen d’informations récoltées auprès des notables et des autorités administratives.
C’était là, la contribution patrimoniale nationale de sieur Moubouyi pour la préservation et la pérennisation de l’histoire du Gabon et de ses valeurs traditionnelles et culturelles afin que celles-ci ne puissent pas être jeter aux orties par le modernisme venu d’Occident. Il fut aussi plus tard, membre du Conseil national de la communication (CNC) créé en 1992 et conseiller du ministre de la communication et des Postes et télécommunications chargé de la presse audiovisuelle.
Les autres œuvres de Richard Moubouyi sont « Les ballets Logovéens et la guerre de Wongo (1974), « C’est logique mais incompatible (1978) », « La sentence du griot (1982) », « Es-tu africain mon fils (1986) », « Les poèmes des Logovéens (1986) », « La voix des ancêtres (1987) », « Les reines de Gnabo (1990) » et la dernière œuvre de sa vie « Au rythme des pagaies » parue en 1991. Dans celle-ci, Richard Moubouyi dresse le portrait enchanté de sa région natale et de l’environnement qui le constitue notamment sa richesse hydrique et son activité vivrière concentrée autour du labeur halieutique. L’œuvre nous plonge dans l’univers de peuples vivant au bord des fleuves et des contacts des populations avec ses différents affluents qui nous rappelle sans cesse, la corrélation entre l’homme de l’Ogooué et la nature dans laquelle il s’est épanoui et réalisé au gré des « vents » et à travers des siècles d’existence.
Distinctions honorifiques
Richard Moubouyi s’est vu attribué plusieurs décorations et fonctions de mérite. Il fut notamment membre de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) et vice-président de la commission radio à l’Université radiophonique et télévisuelle internationale (URTI) de Paris. Richard Moubouyi a été élevé au rang de chevalier et officier du mérite national, chevalier de la pléiade et du dialogue des cultures par l’assemblée des parlementaires de la langue française et au rang d’officier de l’étoile équatoriale. Il a aussi le reçu le Mérite du Mercure d’or international et le Mérite américain pour l’amitié et l’entente entre l’Amérique du Nord et l’Afrique.
Gratification
Richard Moubouyi a glané plusieurs récompenses le long de son long voyage dans le monde de la communication particulièrement dans son domaine de prédilection qui était celui de la radiophonie. Il a remporté le prix de l’Office de radiodiffusion française (ORTF) a trois reprises notamment en 1969, en 1970 et en 1972. Il a aussi été parmi les lauréats du prix du Conseil international des radios et télévisions d’expression française (CIRTEF) en 1982. En 1986, il a remporté le prix de l’Union des radios et télévisions nationales africaines (URTNA). Ses œuvres radiophoniques « Bousoudou », « La circoncision » et « Le nouveau système des choses » ont été primées au concours inter théâtral africain.
A la lisière de sa vie
C’est au sein de la capitale gabonaise, Libreville, que Richard Moubouyi écrivit la dernière pièce de théâtre de sa vie. Cette poignante nouvelle retentit au tout début du 21ème siècle, c’est-à-dire à la genèse des années 2000 précisément le 30 novembre 2001. Il totalisait 57 années de vie.
Richard Moubouyi a été inhumé dans son Lastourville natal précisément dans son tendre et bien-aimé village Basségha, près des sépultures de ses consanguins qui le précédèrent, d’innombrables années bien avant, dans la vie d’outre-tombe. C’est d’ailleurs lui qui développa cette localité logovéenne pour qui il avait une affection particulière et une estime incommensurable.
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