Pr Bertrand Mbatchi, l’un des scientifiques gabonais les plus prolifiques
Bien avant que le colon européen n’atteigne les côtes africaines par le biais des explorations multiples, les sociétés africaines d’antan possédaient déjà leurs propres connaissances scientifiques basées sur des savoirs endogènes hérités à travers les générations par le canal de la transmission orale des guérisseurs et autres pédagogues traditionnels maîtrisant les phénomènes et les thématiques basés sur l’environnement et ses composantes. Avec l’implantation coloniale, le savoir local s’appuyant sur des pratiques animistes et fétichistes ne fut pas plébiscité par les colonisateurs qui jetèrent, plus ou moins, l’anathème sur les notions et conceptions africaines.
Il y a lieu de souligner que la pensée exogène que voulait imposer l’idéologie occidentale ne cadrait en rien avec l’implantation et l’expansion des croyances religieuses. Dans le but d’asseoir sa domination afin d’évincer les systèmes et modes d’éducation indigènes relevant de la pensée scientifique indigène, le colon s’empressa d’instaurer son modèle éducatif gravitant autour de l’écriture et du maniement de sa langue. Plusieurs sociétés traditionnelles, soumises aux forceps ou par stratégie d’intégration, firent le choix de renoncer à leurs héritages culturels mais sans vraiment s’en détacher. Des poches de résistance se créèrent et eurent l’intelligence de s’aligner aux injonctions sans toutefois abandonner à jamais les savoirs qu’ils détenaient depuis des siècles.
C’est ainsi qu’au Gabon, quand l’administration coloniale promulgua l’établissement de son système éducatif, la population locale s’empressa d’envoyer sa progéniture faire « l’école des blancs » afin d’accéder au savoir occidental tout en ne reniant pas pour autant, les notions ancestrales. Mas celles des colonisateurs prirent le dessus et la science indigène perdit, à petit feu, sa consistance originelle. On assista alors à l’avènement de scientifiques locaux maîtrisant les rudiments de la pratique scientifique blanche dont l’élaboration, la conception, la pratique et la maîtrise feront de ces derniers, des instruits d’une compétence considérable. Nous revenons aujourd’hui sur l’histoire de Bertrand Mbatchi (1959-2021), prestigieux biologiste et distingué savant en phytologie.
Naissance
Le Pr Bertrand Mbatchi est né une année avant l’accession du Gabon à la souveraineté nationale précisément au courant de l’année 1959.
Formation
Elève brillant et doté d’une intelligence remarquable, Bertrand Mbatchi a tour à tour obtenu son Certificat d’études primaires (CEP), son Brevet d’études du premier cycle (BEPC) ainsi que son baccalauréat série scientifique. C’est en Hexagone notamment dans la ville de Poitiers, situé à l’Ouest de la France, que Bertrand Mbatchi décrocha un doctorat d’Etat en biologie et physiologie végétale (phytobiologie) mais aussi un doctorat 3ème cycle en biologie et physiologie végétales en 1987. Sa thèse de doctorat fut « Le transporteur de saccharose des tissus foliaire : marquage différentiel, solubilisation et sélectivité » et ses travaux furent dirigée par Serge Delrot, chercheur et professeur émérite français.
Parcours pédagogique
Lorsqu’il termine ses études universitaires en 1987, il regagne aussitôt le Gabon et débute sa carrière pédagogique à l’Université des sciences et techniques de Masuku (USTM). Il sera d’abord professeur assistant puis maître de conférences et enfin professeur titulaire ; il deviendra alors enseignant-chercheur au grade de professeur titulaire. Concernant son itinéraire administratif dans le domaine pédagogique, il devient chef du département de biologie de la faculté des sciences de l’USTM en 1990. Il occupera ce poste jusqu’en 1991. En 1991, il est alors promu vice-recteur de l’USTM et prend les rênes de la présidence de la commission de recherche de l’USTM. Il remplira ces deux fonctions jusqu’en 2006.
Il faut tout de même rappeler que déjà en 1991, Bertrand Mbatchi mit sur pied et pilota à l’USTM, l’unité de recherche en agronomie et en biologie. Il en sera le responsable jusqu’en 2011. Par ailleurs, de 2008 à 2011, Bertrand Mbatchi est propulsé à la présidence du comité de pilotage du système LMD (Licence-Master-Doctorat). En 2010, il devient président de la commission de projection de la carte universitaire nationale mais aussi président du comité préparatoire des états généraux de l’éducation, de la recherche et l’adéquation formation-emploi (EGERAFE). Mais c’est en 2011 qu’il est auréolé du poste de président du conseil scientifique et pédagogique de l’USTM.
Carrière politique
De 2006 à 2007, le Pr Bertrand Mbatchi devint conseiller du ministre gabonais de l’enseignement supérieur et de l’innovation technologique, le Pr Daniel Ondo Ossa fut confié ce portefeuille ministériel lors des remaniements ministériels du 21 janvier 2006 et du 26 janvier 2007. Quand Monsieur Dieudonné Pambo est choisi pour prendre le commandement du ministère de l’enseignement supérieur en lieu et place du Pr Daniel Ondo Ossa le 29 décembre 2007, le Pr Mbatchi devient lui, secrétaire général dudit ministère.
Son passage au CAMES
En 2011, le Pr Mbatchi est pressenti pour occuper le secrétariat général du Conseil africain et malgache de l’enseignement supérieur (CAMES). Respecté et adoubé par ses pairs, il se voit confier cette fonction le 1er août 2011. Il se met alors au travail et décide de réformer cette institution académique. Le Pr Mbatchi nourrit, au plus profond de lui, l’ambition de faire du CAMES, une référence africaine en matière d’enseignement supérieur. Il instaure des mécanismes de développement autour d’un « plan stratégique de développement », une première du genre au sein de l’institution et s’étendant de 2015 à 2019. C’est par ses décisions mélioratives que le Pr Mbatchi insuffla une dynamique nouvelle au sein du CAMES. Membre exécutif de ladite institution, il ne rechigna pas à la tâche pour mener à terme, ses différents chantiers au sein du CAMES afin de redonner à l’enseignement supérieur ses lettres de noblesse.
Suite au travail abattu au sein du secrétariat général du CAMES, le Pr Mbatchi va être reconduit pour un second mandat en 2017. Par la suite, une nouvelle série de réformes va être implantée au sein du CAMES par sieur Mbatchi couvrant la période 2020-2022. Grâce à son poste de secrétaire général du CAMES, le Pr Mbatchi occupa la fonction de président de la commission d’éthique et de déontologie du CAMES (CED/CAMES). Il a ainsi présidé de 2017 à 2020, le Réseau africain d’assurance qualité (AFQAN). Il fut membre du Comité de pilotage du projet de l’Union africaine de mise en place du Cadre continental d’assurance qualité et du cadre continental de qualification de compétences et de professionnalisation. Il fut aussi membre des Conseils d’administration de l’Université Senghor, du Centre africain d’études supérieures en gestion (CESAG) et du Centre Ouest Africain de Formation et d’Etudes Bancaires (COFEB).
Décès et hommages
Le Pr Bertrand Mbatchi rejoint le monde des immortels le samedi 25 septembre 2021 des suites d’une affection maladie. Il se trouvait dans la ville de Ouagadougou, capitale du Burkina-Faso. Il était attendu au Bénin dans le cadre des préparatifs du prochain concours d’agrégation du Cames. Son apparition publique datait des 14 et 15 septembre 2021 au moment où il supervisait les travaux de validation des résultats définitifs de la 43ème session des comités consultatifs africains (CCA).
Après l’annonce de sa disparition, la mémoire de l’illustre disparu fut saluée par une pléthore de personnalités des domaines universitaire, académique et politique. Des hommages émouvants lui furent aussi rendus. La communauté scientifique du CAMES lui rendit, au sein de son siège basé à Ouagadougou, un hommage circonstancié en présence du ministre burkinabé de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, le Pr Alkassoum Maïga.
Suite à cette cérémonie d’adieux organisée le 2 octobre 2021 par la famille CAMES dont faisait partie le Pr Mbatchi, les communautés scientifique, universitaire et politique gabonaises ont-elles aussi, fait le déplacement à l’Ecole normale supérieure de l’enseignement technique (ENSET) afin de rendre hommage au Pr Bertrand Mbatchi en s’inclinant devant la dépouille du défunt. Sur sa page Facebook, le président Ali Bongo Ondimba avait salué la mémoire du disparu en ces termes : « Je veux redire mon infinie tristesse suite au décès du Pr Bertrand Mbatchi et lui rendre un vibrant hommage (…) Ce compatriote, docteur en biologie et physiologie végétale, restera l’un des plus grands scientifiques et universitaires qu’ait connu notre pays ces dernières années ».
Distinctions honorifiques
Comme il occupait le poste de secrétaire général du CAMES, Le Pr Bertrand Mbatchi fut élevé au rang de Grand Chancelier de l’Ordre International des Palmes Académiques du CAMES (OIPA/CAMES). Grâce à ce rang, il fut élevé à la Dignité de Grand-Croix par plusieurs chefs d’Etat et gouvernement. Il obtint aussi les titres de Commandeur de l’Ordre National des Palmes Académiques de l’Education du Gabon, Commandeur de l’Ordre National du Mérite Gabonais, Grand-Croix de l’Ordre International des Palmes Académiques du CAMES, Commandeur de l’Ordre du Mérite de l’Education Nationale de Côte-d’Ivoire, Commandeur de l’Ordre National des Palmes Académiques du Togo, Commandeur dans l’Ordre du Mérite Universitaire du Congo et Chevalier de l’Ordre des Etalon qu’il reçu à titre posthume au Burkina-Faso.
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