Augustin Boumah, un cador de l’administration gabonaise amoureux de la vie juridique
Dans les années 1920, le Gabon est alors une colonie française d’Afrique regroupée au sein de l’administration générale de la région équatoriale de l’Afrique du nom d’Afrique équatoriale française (AEF). L’enseignement occidental est alors promulgué et les enfants indigènes sont alors envoyés dans des écoles plus structurées en vue de formaliser davantage la formation des apprenants locaux. En ces temps, la ville de Brazzaville qui était la capitale politique de l’AEF, était dotée des écoles de pointe en particulier des établissements supérieurs pour encadrer les élèves issues de familles autochtones pour en faire des cadres administratifs.
Bien que certains choisirent des carrières presbytérales, d’autres firent le choix de travailler à plein temps au sein de l’appareil administratif colonial pour prétendre à des hautes fonctions. L’étude du droit était chose osée mais une poignée d’étudiants aéfiens s’en éprirent. Le Gabon, par exemple, ne comptabilisait quasiment pas un personnel juridique local, le secteur étant quasi-totalement la chasse-gardée des Européens. Il faut dire que ceux qui choisissaient de poursuivre des carrières juridiques étaient sous la menace d’une expatriation longue.
C’est en tout cas le constat que firent nombreux d’entre les nouveaux cadres gabonais qui s’adonnèrent à la vie d’homme de Droit. La plupart exerçaient le plus souvent en Oubangui-chari (actuelle République Centrafricaine) ou encore au Tchad. D’autres étaient même envoyés en Afrique occidentale française (AOF) très souvent à Dakar au Sénégal ou en Côte d’Ivoire. Cadre supérieur de l’AEF et diplômé des Hautes études d’Outre-Mer, Augustin Boumah (1927-2015) fut un administrateur remarquable au sein et en dehors de l’AEF bien qu’il fût un éternel passionné de la vie juridique.
Naissance
C’est dans l’une des colonies de l’Afrique équatoriale française (AEF) notamment au Gabon que naît le 7 novembre 1927 à Libreville, Augustin Boumah au quartier London situé au village Glass, éponyme du plus prestigieux des Mpongwès de son époque R’Ogouarowé dit le roi Glass. Augustin Boumah fut le dernier enfant de Augustine Akéré et de Boumah Obénimiet qui en avait cinq au total.
Cursus
Augustin Boumah fait ses études primaires et secondaires à Libreville et obtient brillamment son Certificat d’études indigènes (CEI) ainsi que son Brevet d’études du premier cycle. Ensuite, il passe un concours pour intégrer l’Ecole des cadres supérieurs de l’AEF. Cet établissement d’enseignement supérieur est le premier du genre à l’époque. Augustin Boumah obtiendra son entrée à cette prestigieuse école avait pour mission de former les responsables administratifs locaux issus des différentes colonies de l’AEF que sont le Tchad, le Moyen-Congo, l’Oubangui-chari et le Gabon. Devenu un véritable admirateur des verdicts de procès qui se tenaient au palais de justice de Brazzaville, Augustin Boumah tombe amoureux de la justice et prend la résolution de se lancer dans une carrière juridique.
Lors de ses visites au tribunal de la ville qui abrite le gouvernement général de l’administration coloniale, notre personnage se rend compte que la couleur de la peau n’a souvent point raison sur les décisions de justice. En 1953, Augustin Boumah obtient en Oubangui-Chari un diplôme de greffier titulaire après avoir gagné un concours pour y parvenir. Trois ans plus tard au Tchad, il décroche le concours des cadres généraux de la France d’Outre-Mer en qualité de greffier en chef titulaire de la justice de paix à compétence étendue. En 1959, Augustin Boumah rejoint à nouveau les bancs de l’école. Il sort nanti d’un diplôme d’inspecteur du travail en 1960 obtenu cette fois à l’ancienne Ecole nationale de la France d’Outre-mer (ENFOM) devenue en 1959, l’Institut des hautes études d’Outre-Mer (IHEOM).
Carrière professionnelle en Afrique équatoriale française
Augustin Boumah commence sa carrière professionnelle dans son pays le Gabon précisément en 1949 à Libreville comme greffier adjoint des cadres supérieurs de l’AEF. Deux ans plus tard, il est affecté en Oubangui-Chari dans la ville de Bangui. En 1954, il devient greffier titulaire grâce à un concours passé en 1953. Il reçoit une promotion de greffier en chef et assure l’intérim de ce poste dans l’importante circonscription de Bangassou, au Sud-Est de l’Oubangui-Chari. Il y remplira les fonctions de greffier, notaire et commissaire-priseur.
En 1956, l’administration coloniale le promeut et l’envoie dans une circonscription bien plus grande située au Tchad notamment dans la ville de Moundou, capitale économique dudit pays. Décrochant le concours des cadres administratifs de la France d’Outre-Mer en qualité de greffier en chef titulaire de la justice de paix à compétence étendue, Augustin Boumah se voit aussi confier la circonscription de Pala, chef-lieu de la région de Mayo-Kebbi Ouest, en sus de celle de Moundou.
Fervent militant au sein du Rassemblement démocratique africain (RDA), fédération de partis politiques africains, Augustin Boumah pose en africaniste évolué prenant le risque de se mettre à dos l’administration coloniale. Il est alors copté par Abba Sidick, militant invétéré pro-indépendantiste et membre fondateur du Parti progressiste tchadien (PPT) affilié aussi au RDA.
Abba Sidick devient ministre de l’instruction publique et de l’éducation populaire qui fait de Augustin Boumah, son directeur de cabinet. Une année avant les indépendances en AEF devenue la Communauté français après le référendum constitutionnel de 1958, Augustin Boumah retourne en formation à l’Institut des hautes études d’Outre-Mer et y sort nanti d’un diplôme d’inspecteur du travail.
Carrière politique et administrative au Gabon
En 1961, Augustin Boumah regagne le Gabon. Il décide de travailler pour l’administration locale. De 1961 à 1964, il est tour à tour Directeur général adjoint puis Directeur général du travail avant d’être nommé inspecteur général du travail. En 1965, Il est alors choisi pour prendre les rênes de l’Ecole nationale d’administration (ENA). Vers la fin du premier mois de l’année 1966, Augustin Boumah est promu ministre de la jeunesse, des sports et des affaires culturelles.
Il restera membre du gouvernement durant un peu plus de neuf longues années en occupant plusieurs ministères dont ceux du Plan et de l’aménagement du territoire, de l’intérieur, des finances et de la justice. Il fut aussi ministre d’Etat. En 1975, Augustin Boumah veut à nouveau être au contact de la vie juridique, une passion qu’il n’a jamais oubliée et qu’il chéri au plus profond de son être. Le président Bongo le catapulte alors président de la Cour Suprême. Il y passera quatre ans.
Après les élections législatives de 1979, Augustin Boumah devient président de l’Assemblée Nationale au début de l’année 1980. Il restera au perchoir de l’Assemblée nationale pendant une décennie. Il démissionne de son poste après que des plusieurs soldats de la garde présidentielle n’aient violé son domicile en 1990 croyant qu’il cachait et protégeait chez lui, un de ses neveux en la personne d’Alain Dickson, chef de file du Parti écologiste gabonais, soupçonné d’être un des leaders des manifestations de rue provoquées par la disparition de l’intraitable opposant Joseph Rendjambé que beaucoup qualifièrent d’assassinat prémédité.
Bien que le président Bongo tentât de le convaincre de revenir sur sa décision, Augustin Boumah refusa poliment la requête du Chef de l’Etat non sans rappeler le caractère musclé et incongru de la descente des forces de police chez lui, flouant aux pieds l’autorité qu’il représentait ainsi que l’Etat de droit qu’il pensait défendre. En 1991 après que la cour constitutionnelle ait vu le jour, Augustin Boumah fut nommé juge de cette corporation juridique. Il y fit deux mandats.
Décès
Ayant fait valoir son droit à la retraite, Augustin Boumah s’était peu à peu retiré de la vie politique depuis un certain nombre d’années d’autant plus que le décès de son épouse l’avait gravement affecté. Il rejoint finalement sa tendre épouse ainsi que ses ancêtres dans l’au-delà le jeudi 13 avril 2015. Il avait 88 ans.
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